Nous
le tenions. Encore quelques minutes et la récompense promise
serait pour nous. Guillaume, le meilleur de nos cavaliers, était
sur ses talons. Il était clair que la monture du bandit
était épuisée.
J'entendis un cri de victoire : "touché !", suivi
d'un hurlement affreux. Le cheval noir de Guillaume se dressa
comme s'il était affolé par la vue d'un animal sauvage.
Son cavalier était au sol hurlant de rage et de douleur
: "au loup, c'est un loup, c'est un sorcier !". Ne comprenant
ce qui se passait, je mis pied à terre, l'épée
à la main et m'approchai du blessé. Au pied de l'arbre
une épée et quelques vêtements gisaient en
tas. Je reconnus l'écusson de Geoffroy Tête-Noire
ainsi que son casque, mais il n'y avait pas de corps... Comment
l'homme avait-il fait pour disparaître, et surtout pour
se défaire aussi rapidement de ses affaires... ? Mille
questions se posaient à la fois. Laissant l'un de mes soldats
s'occuper de Guillaume, je repris la tête du peloton et
avançai dans le sous-bois. Il me restait un espoir : celui
de voir le fuyard pris en tenaille entre mes hommes et ceux du
camp d'Obuis. Le piège avait fonctionné jusqu'à
présent; il n'y avait pas de raison pour que les mâchoires
de la tenaille ne se referment pas.
Soudain
j'entendis à nouveau des cris et un bruit de bataille sur
mes arrières. Je retournai vers le moulin le plus rapidement
possible. Il était trop tard : Guillaume et son compagnon
gisaient au milieu de la clairière. Une forte troupe de
bandits occupait les lieux; nous dûmes nous abriter de leurs
flêches dans le moulin.
Paul
Chion